Deux évènements récents me donnent l’occasion de partager avec vous quelques réflexions relatives au bon usage et à la juste compréhension des maux mots de notre belle langue française.

Les plus anciens d’entre vous se souviennent certainement de la première devise du magazine Paris Match : « Le poids des mots, le choc des photos ».

Laissons les photos à Paris Match et voyons ce qu’il en est pour le poids des mots.  L’arrêt n° 39 (20-85.603) de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 16 mars 2021 est un bon exemple. Je demande par avance aux juristes de pardonner mon emploi de quelques raccourcis, pour rester compréhensible au plus grand nombre.

Monsieur X… donne une suite favorable à l’aimable invitation de participer à une manifestation « marée jaune Lorraine », le 30 mars 2019 à Épinal. Cette participation, à l’insu de son plein gré, lui permet de se voir gratifié, avec toute la fermeté qui sied, d’une amende de 135 euros, sur le fondement de l’article L 211-4 du code de la sécurité intérieure, du fait que cette manifestation était interdite par arrêté préfectoral.

Notre « brave manifestant », sans doute juriste à ses heures, conteste cette sanction appliquée sur le fondement de l’article L 211-4 du code de la sécurité intérieure. En effet, celui-ci s’applique dans le cas d’une manifestation déclarée, ce qui n’était pas le cas dans cette occurrence.

Le juge rejette le pourvoi de Monsieur X… de façon non équivoque :

« L’autorité de police compétente peut toujours interdire, par arrêté pris sur le fondement de l’article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, une manifestation soumise à déclaration, dès lors qu’elle estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l’ordre public, peu important que celle-ci ait fait ou non l’objet d’une telle déclaration ».

Autrement dit, que la manifestation soit déclarée ou pas déclarée, dès l’instant ou l’autorité de police l’a interdite… les participants sont sanctionnables sur le fondement de l’article L 211-4 du code de la sécurité intérieure. Qu’on se le dise.

 

Le deuxième exemple est tout aussi intéressant en ce qu’il concerne l’emploi des mots « qui vont bien » pour caractériser une infraction à la loi.

Comme je vous l’ai conté dans mes billets du 8 mars et du 7 avril dernier, certaines de nos « Z’élites » s’estiment plus égales que d’autres devant la loi. Certaines se sont retrouvées au restaurant pour festoyer entre amis du même camp, alors que le reste des citoyens est privé de restaurants et de réunions festives à plus de six personnes.

C’est le cas de « quelques collaborateurs » du ministère de l’enseignement supérieur qui, le 29 janvier dernier, aux alentours de vingt-deux heures, se sont octroyé un « moment de convivialité » !!! Ce moment a été filmé par une voisine du ministère et rapidement diffusé sur les réseaux « dits » sociaux, provoquant une indignation légitime de personnes respectant les mesures « dites » sanitaires.

Les réactions officielles sont savoureuses :

« C’était un vendredi soir, il était 22 h passé. Il s’agissait d’un moment de convivialité entre quelques collaborateurs, qui se trouvaient dans une cuisine partagée », explique le cabinet de la ministre à 20 Minutes, avant d’ajouter. « C’est un moment de détente en marge d’une semaine de travail, il n’y a pas lieu de monter ça en épingle.

« On bascule dans quelque chose de dangereux et nuisible, dans une société de délation avec des personnes qui filment aux fenêtres des collaborateurs de cabinet qui bossent 16 h/jour, 7 jours sur 7, observant la vie au quotidien d’un ministère et attendant le moindre faux pas », s’inquiète-t-on au cabinet de la ministre, qui évoque « une volonté de nuire au gouvernement ».

Infraction, moment de convivialité, amende, déclarée, monté en épingle, interdit … le choix des mots, je vous dis, le bon choix des bons mots. Tout est dans la nuance. Vive la novlangue. Surtout pas d’amalgames !!!

« L’absurde, c’est la raison lucide qui constate ses limites »

(Abert Camus)

Chers lecteurs, je vous aime et vous salue.