Encore un effet collatéral de cette abracadabrantesque « crise Covidienne », le salon de l’agriculture 2021 n’a pas eu lieu. C’est la première fois depuis sa création en 1964 que cela se produit. Si les organisateurs ont prévu des temps forts pour mettre le secteur agricole en valeur, du 13 au 24 mai prochain, cela ne remplacera pas cette véritable communion traditionnelle entre les agriculteurs et la foule de visiteurs du salon.

Saviez-vous que symboliquement, le 4 mars dernier, une centaine d’agriculteurs en détresse de la Coordination rurale sont montés à Paris, précisément sur la place des Invalides, pour dénoncer le malaise du monde paysan ?

Pas de tracteurs, pas d’épandage de fumier… juste des mannequins pendus aux arbres pour représenter les agriculteurs qui se suicident.

« Nous avons fait cela pour choquer les gens. Lorsqu’on a un accident de car ou d’avion, on fait la une des journaux pendant une semaine. En revanche, un agriculteur s’est peut-être suicidé ce matin dans les Pyrénées et un autre ce soir en Alsace, il y aura trois lignes dans le journal local et on n’en parle plus. À la fin de l’année, plus de 600 personnes se sont donné la mort. Imaginez ce que vit la famille. Des dégâts collatéraux importants sont causés ».

Le suicide des agriculteurs. Sujet tabou s’il en est. Selon la mutualité sociale agricole (MSA), en 2015, on identifie 605 décès par suicide d’assurés du régime agricole (233 cas chez les salariés et 372 cas chez les non-salariés) de plus de 14 ans.

Bien que l’observatoire national du suicide, depuis longtemps étudie la question, force est de constater que les observateurs continuent d’observer !!!.

Un rapport de 89 pages a été remis au Premier ministre le 1er décembre 2020… extraits choisis :

  • Faire prendre conscience de la notion de mal être aux agriculteurs en diffusant localement une information générale et non stigmatisante.
  • Diffuser au niveau départemental à l’attention des agriculteurs, via les réseaux professionnels, de santé et les élus locaux, une information générale sur le mal être pour aider à la prise de conscience et inscrire cette démarche dans les projets territoriaux de santé mentale.
  • Identifier et coordonner au niveau départemental les plateformes d’écoute dédiées au mal être et au risque suicidaire, par une organisation mandatée par la cellule d’accompagnement et inscrire cette démarche dans les projets territoriaux de santé mentale.
  • Créer un observatoire national des exploitations agricoles en difficulté, coordonné par le ministère chargé de l’agriculture.

C’est un florilège tellement administratif, à la française, alors que les difficultés des agriculteurs sont ailleurs et sont connues.

L’excellent film d’Édouard BERGERON, « Au nom de la terre » est poignant de vérité, et pour cause. Dans ce film que je vous conseille de voir, ou revoir, le réalisateur raconte l’histoire de son père agriculteur, acculé au suicide.

Antoine JEANDEY, coauteur avec Camille BEAURAIN du livre « Tu m’as laissée en vie » sait de quoi il en est dans la vraie vie. Il nous explique :

  • « Je sais qu’il existe une coopérative agricole au moins qui applique un taux de 9 % aux agriculteurs en retard de paiement après cette année 2020 à la météo dramatique pour les cultures. Qui, en d’autres termes, participe à enfoncer davantage ceux qui viennent de subir un coup dur. Cela, pour assurer son train de vie, qui n’a cessé de croitre pendant que le nombre d’agriculteurs diminuait.
  • Je sais également que certains centres de gestion ont augmenté leurs tarifs de près de 30 % d’une année sur l’autre, sans que rien dans la prestation, basique, ne le justifie. Pareil, est-ce leur vocation de s’engraisser jusqu’à mettre dans le rouge ceux qui les nourrissent deux fois, dans l’assiette et économiquement ?
  • Idem pour les banques, où dans certaines agences au moins les comportements déshumanisés n’ont jamais cessé à l’encontre des « vaches à lait » de la production agricole. Encore récemment, il m’a été fait part d’un cas précis en Bretagne…».

Alors, chers lecteurs, juste pour aujourd’hui, ayons une pensée d’amour et de reconnaissance pour ceux et celles qui, en silence, paient de leur vie l’amour de la terre et leur engagement à nous nourrir.

« On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux »

(Antoine de Saint-Exupéry)

Chers lecteurs, je vous aime et vous salue.