Ce que l’on voit :

Qu’entend-on aujourd’hui par BRICS ? C’est déjà une longue histoire.

En effet, c’est en 2001 qu’apparait pour la première cet acronyme anglais, dans le rapport d’un économiste de la banque Goldmann Sachs. Il désigne à l’époque, quatre pays susceptibles de se développer rapidement : le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. Appelés dédaigneusement « pays émergents » ou encore « pays en voie de développement » par les grandes puissances économiques d’alors, ils ont pour caractéristique principale, une augmentation rapide de leur croissance.

Le troisième sommet des BRIC qui se tient dans le sud de la Chine le 14 avril 2011 entérine l’adhésion de l’Afrique du Sud, ce qui ajoute un S (pour South Africa) et donne naissance aux BRICS d’aujourd’hui.

Le 9 octobre dernier, l’Express Belge titrait « C’est officiel : la Chine est désormais la plus grande puissance mondiale » en effet, le FMI estime qu’à la fin 2014, la Chine représentera 16,48% du PIB du monde ajusté en termes de pouvoir d’achat (ou 17.632 milliards de dollars), contre 16,28% pour les États Unis (ou 17.416 milliards de dollars).

L’International Comparison Program (ICP), institution dépendant de la banque mondiale, avait déjà annoncé au printemps dernier que « la Chine serait en 2014 la première puissance du monde ».

En mai dernier, la société russe Gazprom a signé avec le groupe chinois CNPC, un contrat de livraison de gaz sur 30 ans pour 400 milliards de dollars. Ce qu’il faut retenir de cet accord commercial, c’est qu’il est la première transaction sur ce type de marché à être réglée sous forme de swaps (contrat d’échange de flux financiers) en yuans et non en dollars.

Le 16 avril dernier, à Fortaleza, station balnéaire du Brésil, les BRICS ont donné naissance à leur banque de développement. Plus important que le capital initial de 50 milliards de dollars est la décision politique des BRICS, qui se dotent d’un outil économique en marge du système financier mondial.

Ce que l’on ne voit pas :

L’entité BRICS, entrainée par la Chine et la Russie, représente une réelle menace aux niveaux politique et économique pour l’hégémonique Amérique, dans le sens où elle incarne les efforts menés de concert, pour parvenir à instaurer un monde multipolaire.

Membre important des BRICS, la Russie est souvent présentée par les grands médias occidentaux comme étant très isolée sur l’échiquier international. Les sanctions décidées par les États-Unis et l’Europe, dans le cadre de « l’affaire ukrainienne », réduisent les alternatives pour la Russie et la pousse à des réactions riches de conséquences à long terme.

Après l’arrêt récent de fourniture de services aux banques russes par les deux grands moyens de paiement américains, Visa et MasterCard, puis la menace de déconnexion de la Russie du réseau Swift (système majeur de traitement des opérations interbancaires mondial, largement sous influence des USA), la Russie a annoncé le 12 novembre dernier qu’elle lançait son propre système de paiement (opérationnel en mai 2015), lui permettant de s’affranchir du réseau Swift. Cette décision pourrait bien avoir des répercussions à long terme.

En effet, la Russie entraine les autres BRICS dans une opposition frontale au système monétaire et commercial mondial, encore dominé par les USA.

Iil est tout à fait possible que ce réseau alternatif intéresse les autres BRICS et aussi beaucoup d’autres banquiers. On se souvient de la récente amende de 8,8 milliards de dollars infligée par les États-Unis contre la BNP. Celle-ci, comme d’autres banques ayant fait des affaires avec l’Iran, s’est retrouvée soumise à la loi américaine du fait que la plupart des paiements internationaux (en dollars) s’effectuent sur le réseau Swift.

La Chine et la Russie, importants constituants des BRICS, ont récemment conclu de nouveaux accords commerciaux. Le 9 septembre dernier, le vice-premier ministre russe Igor SHUVALOV, a annoncé que les deux pays avaient signé un pacte de coopération économique visant à développer le nombre de transactions bilatérales, réglées en roubles et en yuan et à la coopération mutuelle de leur système bancaire. « Nous n’allons pas rompre d’anciens contrats, la plupart desquels étaient libellés en dollars, mais nous allons encourager les entreprises des deux pays à conclure davantage de contrats en devises locales, pour éviter le recours à la monnaie d’un pays tiers ».

On comprend mieux l’acharnement de Washington pour faire chuter la Russie, quand on sait qu’elle participe activement au développement d’organisations internationales non maîtrisées par les USA : les BRICS et l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS).

L’OCS a été fondé par les deux plus importants membres des BRICS, la Chine et la Russie, en 2001 pour « donner une réponse collective à l’extrémisme et assurer la sécurité des frontières ». Les six états membres de l’organisation sont, outre la Chine et la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan ; le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Le but plus large et non nié par l’OCS est de faire contrepoids à l’OTAN.

Silence des grands médias européens concernant le dernier sommet de l’OCS qui s’est tenu au Tadjikistan le 12 septembre dernier. Il a pourtant donné naissance à « une structure unifiée pour lutter contre le trafic de drogue et le terrorisme ». En fait, il s’agit là d’une alliance militaire, peut-être même plus puissante que l’OTAN.

De nombreux acteurs géopolitiques majeurs (l’Inde, Le Pakistan, l’Iran) cherchent à rejoindre l’OCS. Nul doute que la tenue en juillet 2015 de son prochain sommet en Russie, favorisera le développement de cette coopération militaro économique. Il faudra suivre de très près les décisions qui seront prises à ce moment. Je pense que l’on assistera à des changements majeurs sur l’échiquier géopolitique mondial.

Autre zone d’influence des BRICS, l’Afrique.

En septembre dernier, Monsieur Ghanashyam, haut-commissaire de l’Inde au Cameroun, a notamment déclaré : « les échanges commerciaux entre l’Afrique et les pays membres du groupe des BRICS, ont crû plus rapidement au cours de ces dernières années, que les échanges entre l’Afrique et toutes les autres régions du monde »  et de citer des chiffres : « Entre 2007 et 2012, les échanges entre l’Afrique et les BRICS ont doublé. Aujourd’hui ils se situent à 340 milliards de dollars et sont projetés à 500 milliards de dollars pour l’année prochaine, en 2015 ».

La montée en puissance des institutions financières des BRICS (la Banque de développement et le Fonds de stabilisation des BRICS), va accélérer cette tendance.

Contrairement à une idée répandue, il n’y a pas que la Chine qui investit en Afrique. Les autres pays des BRICS, dont l’Inde, mais également le Brésil, ont au cours de ces dernières années renforcé leurs positions en Afrique, en misant notamment sur l’export de leurs technologies et de leur savoir-faire. En ce qui concerne l’Afrique du Sud, leader du continent africain et membre des BRICS, son rôle devient aujourd’hui primordial sur le continent.

Le 1er novembre dernier, dans le cadre d’un débat organisé à Dakar par le bureau régional de l’Afrique de l’Ouest de la Fondation Rosa Luxemburg, Monsieur Demba Moussa Dembelé, président de l’ARCADE a notamment déclaré : « les pays des BRICS fournissent plus d’aide publique au développement aux pays africains que les pays occidentaux et la Banque Mondiale réunis ». De plus, « en termes de débouchés, les BRICS constituent le principal marché pour les pays les moins avancés, car il y a moins de contraintes que les pays occidentaux »

Et Madame Henriette Faye, (assistante de recherche à l’ARCADE) de renchérir « sur le poids des BRICS qui contrôlent 18,2% du Produit intérieur brut (PIB) mondial et 40% des réserves monétaires mondiales […..] selon les projections, dans les 10 prochaines années l’économie des BRICS dépasserait celles des pays occidentaux. Les quatre premiers pays des BRICS font partie des 10 premières économies mondiales ».

Il me semble juste de ne pas considérer comme anecdotique la position exprimée par Monsieur Panos KAMMENOS, député grec et président des Grecs indépendants, lors du 30e anniversaire de l’institut Schiller, qui s’est tenu près de Francfort en Allemagne le 19 octobre dernier, à propos de l’intégration de la Grèce dans les BRICS dans le cadre de « la nouvelle route de la soie ».

À n’en pas douter, l’évolution des BRICS est en train de modifier profondément la géopolitique actuelle.

Le repli de Washington sur ses positions du passé représente « une chance » pour la Russie, d’accélérer une ouverture importante et rapide vers l’est et le sud, autrement dit, tout ce qui n’est pas le Bloc Américano-Occidentaliste. Ce juste terme employé dans son excellent blog dedefensa.org par Philippe GRASSET permet de noter le positionnement de l’Europe et de la France.

Par l’effet d’entrainement des BRICS, de l’OCS et de l’union Economique Eurasiatique la Chine et la Russie ne donneraient-elles pas une magistrale leçon de création d’un monde multipolaire en brisant plus de 60 ans d’hégémonie américaine et d’affrontements économiques et militaires entre « l’est et l’ouest »?

Nous sommes en route vers « le monde de demain », cher au regretté Franck BIANCHERI.

Ce que voit Alex Andrin

Ce simple acronyme : BRICS, évoque la construction.
Et pourquoi pas d’un monde, plus centré sur l’humain ?
Moins de conflits, plus d’écoute, de compréhension,
De recherches de bonnes solutions pour demain.
Un monde rempli d’amour, bien sûr, je veux y croire.
Pour l’obtenir, c’est simple, il faut juste, le vouloir
Rien n’est impossible pour qui le veut vraiment.