CE QUE L’ON VOIT

Au gré des évènements financiers et/ou politiques, le « serpent de mer » des paradis fiscaux fait la Une de nos grands médias. Souvenez-vous « l’émois » lors de « la révélation » des Panamas Papers dont je vous ai fait une autre lecture dans mon billet du 14 mai 2016. La prochaine élection présidentielle française ayant lieu pratiquement un an après est l’occasion de revenir sur ce sujet.

Nous voilà pleinement rassurés quand on lit les déclarations faites à l’Agence France Presse (AFP) par Pascal SAINT-AMANS, directeur du Centre de politique et d’administration fiscale de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques  (OCDE) :

  • « L’échange automatique d’information, qui est la vraie fin du secret bancaire, ne fait maintenant plus d’objection de la part de personne»….
  • « Le Panama a accepté « les engagements que nous lui demandions auparavant et qu’il refusait obstinément de prendre»……
  • « Le Panama a changé sa législation et signé la Convention multilatérale contre la fraude fiscale. Il a désormais l’obligation légale de répondre à la demande d’informations de 108 autres pays».

Et pourtant….Comme le chante Charles AZNAVOUR, à l’occasion du premier anniversaire de la révélation du scandale des Panama Papers, l’association « les amis de la terre » a réalisé une action « souvenez-vous » particulièrement spectaculaire. En effet, trente agences de BNP Paribas ont été recouvertes partout en France par 468 affichettes en référence à la création par la banque de 468 sociétés offshore pour la seule liste du cabinet Mossack Fonseca.

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Pour ce qui est des candidats à l’élection présidentielle, voici ce qu’annoncent les « principaux candidats », puisque, comme je l’ai relaté dans mon billet du 25 mars 2017, les « règles du jeu » ont opportunément été modifiées avec l’apparition de la notion « d’équité » entre les candidats, celle-ci remplaçant celle « d’égalité » :

  • Programme de François FILLON
    • « …… » rien….nada
  • Programme de Benoit HAMON
    • « Pour lutter contre la présence des banques dans les paradis fiscaux, j’établirai une liste crédible des paradis fiscaux. Les juridictions qui refusent de changer leurs pratiques subiront des sanctions commerciales»
  • Programme de Marine LE PEN
    • « Lutter efficacement contre l’évasion fiscale pour préserver notre modèle social en s’attaquant aux paradis fiscaux et en créant une taxe sur l’activité réalisée en France par les grands groupes et les profits qui auraient été détournés. Continuer la coopération fiscale internationale dans ce but.»
  • Programme d’Emmanuel MACRON
    • « Nous défendrons, au niveau européen, une taxe sur le chiffre d’affaires réalisé dans nos pays pour des prestations de service électronique. Cela éliminera ainsi les montages consistant à rapatrier les profits dans des paradis fiscaux. »
  • Programme de Jean-Luc MELANCHON
    • «Interdire aux banques françaises toute activité dans les paradis fiscaux en retirant les licences bancaires des établissements récalcitrants »… 
    • « Agir contre l’évasion fiscale au niveau international, notamment en organisant le blocus des paradis fiscaux ».

Le montant estimé de la fraude et de l’évasion fiscale est pourtant estimé entre 60 et 80 milliards d’Euros par an, excusez du peu.

La France « état de droit » comme se plaisent à le rappeler si souvent aux heures de grandes écoutes, notre monde politique dans son entier, me semble quelque peu « élastique ». Le « verrou de Bercy », vous connaissez ? Dans l’arsenal des moyens de répression, l’administration fiscale peut procéder à des sanctions fiscales et/ou des sanctions pénales. La loi en matière de répression des infractions pénales confie au procureur de la République, la responsabilité de juger de l’opportunité des poursuites. Par contre, en matière fiscale, c’est le ministre du Budget qui a l’initiative. Il transmet au parquet, après avoir sollicité l’avis de la Commission des infractions fiscales (CIF), les dossiers qu’il souhaite voir poursuivis. Ni la CIF ni le parquet n’ont la possibilité de connaitre les cas de fraude que Bercy choisit de ne pas poursuivre en justice. D’où le nom de « verrou de Bercy ».

Ce dispositif est utilisé comme moyen de pression pour « inciter » les exilés fiscaux à rapatrier leurs avoirs cachés à l’étranger et de payer les pénalités en échange d’une promesse tacite d’absence de poursuite pénale. Bien que mise en cause dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), arguant du fait qu’elle est contraire au principe d’indépendance de l’autorité judiciaire et au principe de séparation des pouvoirs, cette pratique « discutable » a été confortée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°216-555 en date du 22 juillet 2016.

 

CE QUE L’ON NE VOIT PAS

Le 25 mars dernier, l’ONG Oxfam France et le réseau Fair Finance Guide international publient un très intéressant rapport de 52 pages intitulé « Banques en exil : Comment les grandes banques européennes profitent des paradis fiscaux ». Il est consacré, c’est du jamais vu, aux activités dans les paradis fiscaux des 20 plus grandes banques de l’Union européenne :

  • Les 20 plus grandes banques européennes déclarent 26 % de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux, soit 25 milliards d’euros en 2015, mais seulement 12 % de leur chiffre d’affaires et 7 % de leurs employés.
  • Les 20 banques européennes déclarent au global 628 millions d’euros dans des paradis fiscaux où elles n’ont pourtant aucun employé et 383 millions d’euros de bénéfices sur lesquels elles ne payent pas un seul euro d’impôts.

Focus sur notre célèbre Société Générale qui se vante d’être « l’une des premières banques à avoir proposé des produits et services de finance solidaire à ses clients renforce son rôle d’entreprise citoyenne en répondant à l’intérêt croissant des clients pour les actions de partage » :

  • Elle réalise au Luxembourg, 587 millions d’euros de bénéfices, un montant équivalent aux bénéfices qu’elle réalise en cumulé en Allemagne, Italie, Espagne et Pays-Bas.
  • Sa filiale luxembourgeoise a créé la moitié des sociétés offshores (475) en lien avec le cabinet Mossack Fonseca, dénoncées dans les Panama Papers.
  • Elle déclare en Irlande des bénéfices quatre fois plus importants que son chiffre d’affaires (39 millions d’euros pour un C A de 9 millions d’euros)

Dans le même temps, elle annonce :

Vous connaissez mon approche, pas d’ostracisme.

  • Les cinq plus grandes banques françaises : BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, Crédit Mutuel, CIC et Société Générale, ont déclaré 5,5 milliards d’euros de bénéfices dans les paradis fiscaux en 2015.

Oxfam a déjà, dans un rapport du 12 décembre 2016, intitulé « La bataille des paradis fiscaux – Droit dans le mur : l’impasse de la concurrence fiscale », démontré comment les pays du monde entier, sont engagés dans une dangereuse course à la concurrence fiscale, au rang desquels, les Bermudes, les Pays-Bas, l’Irlande et le Luxembourg.

Plus récemment, le rapport du 13 janvier 2017, intitulé « Davos 2017 : huit personnes possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale », pointe la montée des inégalités. On s’en doutait, mais ce rapport montre que La France n’échappe pas à ce constat et ne marche plus vers l’égalité. En 2016, seuls 21 milliardaires possèdent autant que les 40 % les plus pauvres de la population française. Ce rapport confirme celui de l’observatoire des inégalités qui relève que la tendance est à l’accroissement des écarts entre les plus riches et les plus pauvres en France : alors que le niveau de vie mensuel moyen des plus riches a progressé de 272 euros de 2003 à 2014, celui des plus pauvres a diminué de 31 euros.

Si l’ONG Oxfam peut réaliser de telles études sur le monde bancaire, c’est que celui-ci a une obligation de transparence instaurée par l’Union européenne dans la directive n° 2013/36 du 26 juin 2013. En effet, les banques doivent communiquer le « reporting pays par pays public » de leurs activités.

Hélas, pour ce qui est des entreprises, alors que dans la « tristement célèbre Loi SAPPIN 2 », vous vous souvenez, celle qui dans son article 49, permet le gel de tous vos contrats d’assurance vie, un article prévoyait d’étendre aux entreprises, l’obligation faite aux banques du reporting pays par pays public partiel, le conseil constitutionnel, encore lui, a censuré cet article, permettant ainsi aux grandes entreprises de continuer à pratiquer l’évasion fiscale en toute opacité.

 

ET MES SOUS DANS TOUT CA ?

Je ne cesse de vous le répéter depuis 2012, ne faites pas confiance aux banques. Les règles qu’elles nous appliquent sont différentes des leurs. Soyez aussi bien conscient, comme je le décrivais dans mon billet du 14 juillet 2013, que la politique est une activité qui « nécessite beaucoup d’argent ». De ce fait les différents mouvements politiques sollicitent le monde bancaire qui……En attend les dividendes, forcément. CQFD.

Je vous rappelle aussi, que ce que vous croyez être « votre argent » sur vos comptes bancaires, ne vous appartient, juridiquement PAS. Il appartient juridiquement à la banque. Vous n’avez qu’un droit de créance. Le jour où les intérêts de la banque seront en opposition avec les vôtres (cela va arriver avec certitude, mais je ne sais pas quand), croyez bien que « votre argent » passera par pertes et profits.

Ce que voit Alex Andrin

L’association « paradis et fiscalité »
Est effectivement très souvent usitée.
Par le monde bancaire et les grandes sociétés.
Bien évidemment, en toute légalité.
Mais ces paradis-là ne sont pas faits pour nous,
Nous en sommes écartés, comme de vulgaires pioupious.
Gardez confiance, je vous aime et vous salue.