Introduction.

Légitimement préoccupés par le quotidien, nous oublions trop facilement d’avoir une réflexion plus globale. C’est la raison pour laquelle, je traiterais régulièrement de sujets plus généraux, comme : la faim dans le monde, le réchauffement de la planète…

Ne vous y trompez pas, ces points ont une relation directe avec notre futur mode de vie et donc impacteront nos patrimoines.

Ces sujets, à mon sens, trop peu abordés par les grands médias et non traités par nos politiques, ont déjà des conséquences économiques notables. Il me semble important de les garder en mémoire.

Je continue de penser qu’en matière de patrimoine, nous devons avoir une réflexion sur le long terme.

Hélas, l’avènement de l’informatique nous entraîne dans la « spirale de l’instantanéité », grandement aidée par les grands médias d’informations qui privilégient le direct et son lot d’émotions, à la réflexion de fond sur les différents sujets traités.

Mais revenons à nos patrimoines, le paradoxe est frappant :

–  Les grandes banques qui nous vendent des placements financiers à horizon de quinzaines (livret A), de mois (compte à terme), d’années (assurance-vie) alors qu’eux même génèrent la plus grande partie de leur profits en réalisant des transactions financières à horizon de la milliseconde (trading à haute fréquence).

–  Les politiques, qui d’un côté nous incitent à placer notre argent sur des produits à l’épargne bloquée pour plusieurs années (plan d’épargne entreprise) et qui, régulièrement, n’hésitent pas, à grands renforts de publicités, à nous « autoriser » des retraits anticipés sur ces mêmes produits, pour satisfaire des objectifs politiques à court terme.

Nous allons donc inaugurer cette nouvelle série de documents, en abordant la question de l’eau potable dans le monde.

Quelques données de base

Si notre monde est appelé « la planète bleue », moins de 3% de cette l’eau est douce, dont 2,5% immobilisée sous forme de glace.                                                                                                                                         Nous ne pouvons donc compter que sur les 0,5% restant pour répondre à nos besoins.

Cette eau douce est répartie sous différentes formes, principalement les nappes aquifères (10 millions de Km3) mais aussi les précipitations sur les sols (119 000 Km3), les lacs (91 000 Km3), les réservoirs artificiels (5 000 Km3) et les rivières (2 120 Km3).

L’eau présente sous toutes ces formes fait en permanence l’objet de recyclages qui constituent « le cycle de l’eau » et lui assure son caractère renouvelable.

Ce cycle est important à prendre en compte dans l’évaluation de l’état des ressources en eau et de sa disponibilité pour l’humanité.

oceans

Facteurs géopolitiques

Selon l’Institut national d’études démographiques (INED), nous serons entre 10 et 11 milliards d’êtres humains d’ici à la fin du siècle.

Ce chiffre énorme Implique plus de déplacements, plus de production, plus de pollution et aussi, plus de consommation d’eau potable.

Cette ressource primordiale génère déjà des tensions politiques, économiques et ethniques liées à la gestion des fleuves transfrontaliers (le Nil, l’Euphrate et le Tigre, le Jourdain, l’Indus, le Gange, le lac Tchad) dans de nombreuses parties du monde.

L’eau potable deviendra immanquablement un objet de pouvoir notamment pour ses destinations agricoles et industrielles, surtout en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie centrale.

D’après le spécialiste des questions environnementales, Lester Brown, 18 pays, représentant la moitié de la population mondiale, sont arrivés à un point tel d’utilisation de leurs nappes phréatiques et autres ressources en eau que celles-ci ne se renouvellent plus.

Parmi les pays concernés : l’Arabie saoudite, la Syrie, l’Irak, le Yémen mais aussi certaines régions des Etats-Unis, de la Chine ou encore de l’Inde.

D’après une étude publiée en février dernier dans la revue Water Resources Research, les réserves en eau douce au Moyen-Orient sont en chute libre depuis quelques années.

Entre 2003 et 2009, les bassins versants du Tigre et de l’Euphrate (qui concernent des pays comme la Turquie, la Syrie, l’Irak ou l’Iran), ce sont 143,6 Km3 d’eau qui ont disparu (soit à peu près l’équivalent de la mer Morte).

A quoi est due cette disparition : à l’évaporation des fleuves, rivières, etc., à l’assèchement des sols mais surtout (pour 60%) à la surexploitation des nappes phréatiques.

Même chose aux Etats-Unis où, selon une étude publiée en mai dernier par l’US Geological Survey, le manque d’eau s’accélère. Entre 1900 et 2008, le pays perdait 9,2 Km3 d’eau par an… une perte qui s’est accélérée entre 2000 et 2008 où la perte annuelle a atteint 25 Km3.

Première conséquence : un déclin inquiétant de la production agricole de plusieurs de ces pays.

L’Arabie saoudite a été le premier pays a officiellement reconnaître les conséquences du manque d’eau sur sa production agricole. Le royaume importera donc 15 millions de tonnes de céréales diverses d’ici à 2016 pour nourrir sa population.

Des solutions

La grande différence entre le pétrole et l’eau est que si on peut envisager de se passer du premier, il est absolument impossible de se passer du second. Différentes solutions sont donc envisagées :

–   une meilleure utilisation des ressources et une meilleure gestion des gaspillages,

–   la construction d’infrastructures destinées à approvisionner les régions en situation de stress hydriques,

–   l’utilisation de ressources d’eau non potable, via la dépollution, le recyclage ou encore la désalinisation.

Un Français consomme en moyenne 150 litres d’eau par jour quand une personne vivant dans en Afrique sub-saharienne consomme entre 5 et 10 litres par jour.

Cela étant, ce n’est pas parce qu’on économise de l’eau ici qu’il y en aura plus là-bas. Par contre, il ne faut pas oublier que même en France, nous connaissons parfois des manques d’eau (durant la saison estivale) et que prendre l’habitude d’économiser l’eau peut nous permettre de mieux gérer ce bien.
Une autre piste serait de sensibiliser au concept « d’eau virtuelle ». Ce concept permet d’avoir une image des transferts d’eau de manière globale.

L’eau virtuelle permet de prendre conscience qu’importer 1 kg de soja en France pour nourrir du bétail nécessite 3 m3 d’eau au Brésil pour le produire.

Ce concept permet donc de savoir d’où vient l’eau de nous consommons (dans l’exemple précédent, l’eau provenait du Brésil) et permet parfois de réaliser que nous consommons de l’eau de pays qui ont déjà des problèmes d’accès à l’eau.

En incluant ce concept d’eau virtuelle, on se rend compte qu’un Français consomme environ, non plus seulement 150 litres d’eau par jour, mais aussi (indirectement) 5 000 litres d’eau virtuelle par jour.

On peut également améliorer l’efficience des usages de l’eau, notamment en agriculture et dans les réseau d’eau potable où il y a un grand écart entre l’eau prélevée du milieu et l’eau réellement consommée.

En agriculture tout particulièrement, l’adaptation de nouvelles cultures, la modification des calendriers agricoles, la construction de retenues d’eau de pluie, l’amélioration des techniques d’irrigation devraient permettre de réduire la consommation d’eau, surtout quand on considère que la FAOestime qu’à l’horizon 2080 de nombreuses régions seront peu ou plus adaptées à la culture irriguée de céréales.

Des systèmes alternatifs de collectes des eaux fluviales et de réutilisation des eaux usées sont une autre solution. Il existe des initiatives au niveau européen pour promouvoir l’utilisation des eaux usées. Il faudrait que l’on parvienne à ne plus utiliser l’eau du sous-sol ou des rivières mais utiliser l’eau déjà utilisée.

On parle aussi de transferts d’eau entre des zones excédentaires et des zones déficitaires (exemple du transfert des eaux de la vallée du Rhône à Barcelone).

La désalinisation de l’eau est aussi possible. Mais ce système-là a des impacts environnementaux qu’il convient d’étudier avant de le multiplier.

Singapour, par exemple, exploite toutes ces solutions.

Ne disposant que de maigres ressources en eau potable, les besoins en eau de cette cité-état proviennent à la fois d’importation d’eau de la Malaisie, de son usine de dessalement qui traite 136 000 m3 par jour, et de plus en plus du recyclage.

Mais aujourd’hui, Singapour affiche clairement ses ambitions et vise l’autosuffisance en eau d’ici à 2060.

Pour y arriver, chaque année, la ville dépense l’équivalent de 30 millions d’euros dans la R&D et l’amélioration des techniques de traitement, dessalement et dépollution de l’eau.

singapour

 

Entre espoirs ….

L’eau, en tant que bien, ne s’achète pas et ne se vend pas.

Depuis des milliers d’années, les États et les populations se sont concertés sur la question.Et d’ailleurs on se rend compte que l’eau est plus souvent une source de coopérations que de conflits.

A peu près 60% des rivières et des fleuves font l’objet d’accords de coopération transfrontaliers, et de long terme (accords de gestion sur le Nil, ceux qui lient l’Inde et le Pakistan pourtant ennemis, ceux entre le Bangladesh et l’Inde pour le Gange, ceux sur l’Euphrate et le Tigre, et, sur le Mékong).

Sans doute que la création d’une autorité supranationale de gestion des conflits liés à l’eau serait la bienvenue. Encore faut-il que les décideurs en aient la volonté et voient l’intérêt de les mettre en œuvre.

Depuis 2010, l’accès à l’eau est devenu un droit humain reconnu par l’Assemblée générale des Nations Unies et ce droit devrait permettre de lutter contre la marchandisation de ce bien universel car la rareté de l’eau pourrait avoir pour conséquence d’en priver les populations les plus pauvres.

Et risques

L’United Nations Environmental Program (UNEP) estime que déjà en 2050, c’est quasiment demain, 40% de l’humanité sera affecté d’un stress lié à l’eau.

Elle considère que risque de conflits liés à l’eau sera accentué d’ici la fin du siècle.

Sur quelle quantité d’eau potable pourrons-nous compter dans les prochaines années ? En plus de l’augmentation de la demande de la population, il faut intégrer les effets du changement climatique, l’urbanisation à outrance, l’utilisation des sols et l’irrigation en constante croissance.

Selon Grégory Bulit (Coordinateur de programmes d’accès à l’eau, référent technique eau, hygiène et assainissement au siège de l’ONG Solidarités International), même en France, et en particulier dans le sud, les sécheresses centenaires pourraient revenir tous les 10 ans.

Pour être exhaustif, il faut également évoquer le « trop d’eau ».

L’évolution du climat vient très récemment, en France et dans le monde, nous montrer qu’il y a déjà des extrêmes pluviométriques.

Elles seront de plus en plus fortes et fréquents avec la génération de pollutions assez régulières dans beaucoup de pays.

Du fait que les pays pauvres n’auront pas la capacité de traiter ces eaux polluées et d’accéder à de l’eau potable, nous assisterons certainement à des « exodes de l’eau ».

Même s’il semble totalement négligé par notre monde politique, ce dernier phénomène est à prendre très au sérieux car il affectera directement notre mode de vie  de « privilégié de l’eau » et c’est en cela, qu’à mon sens, il faut garder en tête tous ces éléments.